- LESOTHO
- LESOTHOLe Basutoland, protectorat britannique, est devenu le 4 octobre 1966 l’État indépendant du Lesotho (le pays des Sotho) dont la capitale est Maseru. Il appartient à la catégorie de ces nombreux micro-États, issus de la décolonisation, qui paraissent voués à vivre à la remorque de grandes puissances. Cela tient moins à des dimensions physiques et humaines qui seraient trop faibles (le Lesotho a une superficie égale à celle de la Belgique, soit à peu près 30 000 km2, et abrite 1,5 million d’habitants environ) qu’à des ressources très modestes, et, surtout, à sa position géographique. Le Lesotho est, en effet, une enclave et l’un des rares pays au monde à être entièrement inclus dans le territoire d’un autre État: sans littoral maritime, cerné de tous côtés par l’espace terrestre et aérien de son puissant voisin, il est en quelque sorte verrouillé naturellement par la république d’Afrique du Sud. D’où, pour ce petit État, un problème complexe mais vital que le droit international contemporain, en l’absence de traité, laisse ouvert: celui de savoir si l’Afrique du Sud a, ou non, l’obligation d’accorder sur son propre territoire un droit de passage en faveur du Lesotho, faute de quoi elle pourrait à tout moment l’asphyxier.1. Une économie encore archaïqueAdossé au grand escarpement du Drakensberg et dominant les riches plaines de la province sud-africaine de l’Orange, le Lesotho est une région toute montagneuse, verdoyante et de climat tempéré. L’altitude moyenne des basses terres est de 1 500 mètres, celle des hautes terres dénudées de 2 500 à 3 000 mètres.L’agriculture (maïs, sorgho, fruits), encore très traditionnelle, est la base de l’économie, l’élevage bovin et caprin fournissant les quelques produits d’exportation (laine, peaux et cuirs). Toutefois, la très récente découverte de gisements diamantifères qui semblent prometteurs est susceptible d’amorcer un développement économique jusqu’ici inespéré. En raison de la rapide érosion des sols, ce pays manque en effet de surfaces cultivables.La population, concentrée sur les basses terres, atteint l’une des plus fortes densités rurales de l’Afrique australe. En fait, la principale source de richesse réside dans le rapatriement des gains de la main-d’œuvre masculine émigrée dans les mines d’Afrique du Sud, qui absorbent plus de la moitié de la population active du Lesotho.2. Une authentique nationPar les hasards de la colonisation – l’appropriation des terres fut interdite aux colons blancs au XIXe siècle – les autochtones ont toujours conservé la propriété du sol. Les Européens (quelque 2 000) sont des missionnaires, des fonctionnaires, des techniciens. L’un des atouts du Lesotho est de ne pas connaître les divisions tribales. La population actuelle, issue de divers groupes bantous installés ou repliés dans ces montagnes lors des «guerres cafres» du siècle dernier, appartient à l’ethnie Sotho. Avec le temps, les luttes communes et sans doute l’isolement géographique, elle a acquis une homogénéité certaine. Ici donc, à la différence de ce que l’on peut observer dans beaucoup d’États nouveaux, la nation a précédé l’État.La religion a été aussi un facteur d’unification et d’équilibre sociologique. Le christianisme se partage presque à égalité la population entre catholiques (45 p. 100) et protestants (40 p. 100). Depuis leur arrivée, en 1820, les missions ont exercé une intense action religieuse et culturelle; elles assurent aujourd’hui encore la presque totalité de l’enseignement à ses divers niveaux. Le Lesotho peut ainsi se flatter d’avoir le taux d’alphabétisation le plus élevé sans doute de toute l’Afrique.Mais l’empreinte de la tradition, qu’atteste le maintien des coutumes et des rites anciens, demeure forte. La structure sociale de ce pays a toujours connu une puissante empreinte aristocratique et oligarchique dans le cadre de chefferies héréditaires; au sommet de la pyramide se trouve la dynastie du chef suprême (paramount chief ) qui, jusqu’à une date récente, concentrait toute l’autorité entre ses mains. Cette tradition aristocratique explique la solidité de la nation sotho durant l’histoire coloniale, mais aussi les difficultés éprouvées par le nouveau régime instauré au moment de l’indépendance.3. La volonté d’indépendanceLe fondateur de la nation sotho, considéré aujourd’hui comme le grand ancêtre, fut le célèbre chef Moshoeshoe Ier qui sut, par son dynamisme et son sens politique, triompher de difficiles obstacles dans la première moitié du XIXe siècle. À l’époque du Grand Trek et des guerres cafres, il défend son territoire en luttant à la fois contre les tribus zoulous et contre les Boers. Pour éviter l’annexion totale, il court le risque (1868) de solliciter l’aide de la colonie du Cap, puis celle de la Grande-Bretagne, qui place le Basutoland sous sa protection. Une nouvelle rébellion (Gun War de 1878) éclate lorsque le pays est incorporé autoritairement à la colonie du Cap. Finalement, Londres détache ce territoire de tout lien constitutionnel avec ce qui sera l’Union sud-africaine et, dès 1884, l’érige en entité distincte avec le statut, assez fictif, de protectorat.En réalité, il s’agit d’une colonie de la Couronne, mais administrée, jusqu’en 1966, par le truchement d’une Haute Commission également responsable du Swaziland et du Bechuanaland. Durant quatre-vingts ans, l’histoire interne du protectorat ne connaît pas de fluctuations notables, si ce n’est les revendications périodiques de l’Union sud-africaine relatives à l’incorporation de ce territoire sur la base d’articles de la Constitution de 1909 (ils ont été définitivement abrogés en 1969) et le long règne d’une femme, la régente Ma’Ntsebo, devenue par le jeu de l’hérédité, paramount chieftainess .Ouvertes dès 1955, les négociations en vue de l’autonomie aboutissent, dix ans plus tard, à l’Acte constitutionnel d’octobre 1966, qui fait du Lesotho un «royaume souverain et démocratique». Le régime politique, calqué sur le système britannique, est en principe celui d’une monarchie parlementaire. Le roi, assisté d’un conseil privé, détient le pouvoir exécutif mais, sauf quelques exceptions, ne doit gouverner qu’en accord avec le cabinet et le Premier ministre. Le parlement est bicaméral: l’Assemblée nationale (60 députés élus au suffrage universel) détient les prérogatives principales, tandis que le Sénat (composé des 22 principaux chefs, membres de droit, et de 11 sénateurs nommés par le roi) reflète la permanence de la tradition aristocratique et conservatrice.La garantie des libertés fondamentales et de l’indépendance des tribunaux, la possibilité du référendum populaire confirment la volonté du nouvel État de se placer dans la ligne des démocraties libérales et du libre jeu des forces politiques. Mais l’équilibre paraît difficile à trouver.4. Une vie politique mouvementéeLe Parti du Congrès et le Parti national polarisent la vie politique du Lesotho. Le parti du Congrès, animé par Ntsu Mokhele et lié à la résistance bantoue contre l’apartheid en Afrique du Sud, avait gagné, en 1960, les premières élections générales qu’ait connues le protectorat. Mais, en 1965, le Parti national du chef Leabua Jonathan enlevait la majorité à l’Assemblée nationale (31 sièges sur 60) battant ainsi le Parti du Congrès (25 sièges) et d’autres petits groupements dont le Parti communiste, né d’une scission interne du Parti du Congrès. En octobre 1966, Leabua Jonathan devenait donc le Premier ministre du Lesotho.Les conflits, larvés ou ouverts, font planer l’incertitude sur l’avenir. En 1966-1967, on assiste à des troubles graves, et même à une tentative de sédition: le roi Moshoeshoe II, qui veut gouverner et non pas être un simple monarque constitutionnel, est rappelé à l’ordre par le Premier ministre, mis en résidence surveillée et menacé de déposition; il se soumet alors. Le leader du parti d’opposition est interné. Alors que le calme semblait revenu, les élections législatives de janvier 1970, première grande consultation populaire depuis l’indépendance, ont montré la fragilité du système. Séparés par deux voix – contestées – de majorité, les deux partis se disputent la victoire. Mais le Premier ministre prend immédiatement des «mesures de précaution»: état d’urgence, suspension de la Constitution, annulation des élections, arrestation des dirigeants du Parti du Congrès. Le roi, accusé d’avoir participé au jeu politique, a virtuellement abdiqué.Cette situation s’est prolongée jusqu’à la chute de Jonathan. En 1971, un effort de réconciliation nationale a été entrepris, ponctué par la libération des membres de l’opposition et de son leader Mokhele et par l’ouverture de négociations. La tension montante dans les relations avec l’Afrique du Sud a favorisé un moment la relance de la cohésion interne. Mais la politique d’ouverture a été stoppée à la suite des incidents sanglants du mois de janvier 1974 au cours desquels une tentative de soulèvement de certains opposants a déclenché une sévère répression. De fait, la vie politique du Lesotho est largement dominée par le Premier ministre Jonathan, qui exerce un pouvoir autoritaire et brutal avec l’aide d’une structure paramilitaire, la B.N.P. Youth League. Le remaniement ministériel du 12 novembre 1975, qui a intégré dans l’équipe gouvernementale quelques anciens opposants, n’a pas mis fin à la violence employée par le régime en place.Le Basutoland Congress Party (B.C.P.) d’inspiration marxiste, et qui aurait dû sortir vainqueur des élections annulées de 1970, a été réduit à la clandestinité et, désespérant de parvenir légalement au pouvoir, a sensiblement modifié ses formes d’action: il est sans doute à l’origine de l’attaque, en 1974, de plusieurs postes de police. Les forces gouvernementales ont réprimé sévèrement ce début de rébellion, et le leader du B.C.P., Mokhehle, a été contraint de trouver refuge à l’étranger. Le pouvoir paraît avoir un moment abandonné les procédés dictatoriaux: il a coopté au sein du gouvernement quelques dirigeants, dissidents, de l’opposition et en a nommé quelques autres aux postes très officiels de «députés de l’opposition». Mais les actes de rébellion se sont renouvelés puis amplifiés (printemps 1979, juin 1980), favorisés par la création, au sein du B.C.P., d’une aile militaire: l’Armée de libération du Lesotho (L.L.A.), prompte à lancer des attaques contre des points sensibles du royaume (l’unique dépôt de carburant du pays a été sérieusement endommagé par des obus de mortier en juillet 1981). Depuis le début des années 1960, la tension s’est accrue avec la république d’Afrique du Sud. Le Lesotho dénonce l’apartheid, accueille les réfugiés politiques, dont certains membres de l’A.N.C., et refuse de reconnaître les bantoustans, tandis qu’à plusieurs reprises des commandos sud-africains ont pénétré dans le pays pour y assassiner des réfugiés et des membres de l’A.N.C.À partir de septembre 1981 est survenue une vague d’attentats et d’enlèvements de personnalités consacrant l’engagement de la L.L.A. dans une véritable guérilla urbaine. Les forces paramilitaires se livrent elles aussi, et en permanence, à des actes d’agression à l’égard de tout opposant présumé. Cette violence officielle débouche sur la peur et l’insécurité des populations civiles. Elle est devenue une donnée fondamentale de la vie politique et est alimentée d’ailleurs par le jeu complexe des alliances: le Premier ministre Leabua Jonathan, installé grâce à l’appui sud-africain, accueille ostensiblement des réfugiés de l’A.N.C. combattus en République sud-africaine, alors même que les coups portés par la L.L.A. contre le régime de Maseru le sont à partir du territoire sud-africain et témoignent, pour le moins, d’une complaisance des autorités de Pretoria. Il s’agit là d’un jeu dangereux pour le gouvernement du Lesotho et pour l’indépendance du royaume, car le puissant voisin dispose de toutes les armes pour l’asphyxier.L’Afrique du Sud a de nouveau montré sa force en janvier 1986 en accélérant la chute de Jonathan, provoquée par un coup d’État militaire. Face à la politique hostile du régime Jonathan à son égard, son refus de signer un pacte de sécurité mutuelle et d’expulser les réfugiés de l’A.N.C. du pays, et devant l’ouverture du Lesotho vers les pays socialistes, la R.S.-A. a imposé un blocus économique partiel. En l’espace de quelques jours, privée de ses biens de consommation favoris et confrontée à une pénurie potentielle d’essence, l’armée, soutenue par la bourgeoisie locale, a pris le pouvoir pacifiquement. Le major général Justin Lekhanya, nouvel homme fort du pays, a tenté de fournir une légitimité au régime en redonnant des pouvoirs législatifs et exécutifs au roi Moshoeshoe II et en ouvrant des discussions avec certains membres de l’opposition, tandis que l’ex-Premier ministre Jonathan s’éteignait de mort naturelle en avril 1987.Le major Lekhanya n’a cependant jamais réussi à stabiliser son pouvoir. Sa tentative d’association au pouvoir royal s’est soldée par un échec. La déposition du roi Moshoeshoe II en mars 1990, au profit de son fils Letsie III, n’a rien apporté au pouvoir, le nouveau roi n’acceptant de ceindre la couronne que pour mieux conserver la monarchie, en attendant le retour de son père. Dans le même temps, les tensions politiques avec les partis d’opposition et l’Église catholique ne cessaient de croître, en dépit de la proclamation de l’état d’urgence. La prise d’otage de 71 pèlerins venus assister à la visite du pape au Lesotho par l’armée de libération du Lesotho (13-14 sept. 1988) et l’intervention aussi inefficace que sanglante des forces de sécurité a encore fait monter le mécontentement, attisé par des preuves flagrantes de corruption généralisée. L’incapacité du pouvoir à gérer aussi bien la crise politique que la crise économique liée à la fois à la diminution de l’aide internationale et à la réduction du nombre de nationaux employés dans les mines sud-africaines a débouché le 30 avril 1991 sur un nouveau coup d’État, réalisé par l’armée sous la direction du colonel Elias Ramaena. Celui-ci a relancé le processus de démocratisation inauguré par son prédécesseur, avec l’instauration d’une assemblée constituante. Ntsu Mokhelhe, leader du Basutholand Congress Party et opposant de toujours de Jonathan, semble être le plus à même de gagner les futures élections. Son programme prévoit notamment l’incorporation du Lesotho dans la république d’Afrique du Sud.5. Un protecteur trop puissantPlus de la moitié du P.N.B. du pays (730 millions de dollars de P.I.B. en 1985) est directement liée aux activités économiques et financières de la R.S.A. En dépit de quelques tentatives de modernisation industrielle, trois salariés sur quatre continuent à travailler en Afrique du Sud (contre sept sur huit dans les années 1970). L’essentiel des ressources du pays est ainsi lié au rapatriement des salaires des 140 000 ouvriers émigrés – ce qui représente la moitié du P.N.B. – et aux gains financiers effectués dans le cadre de l’Union douanière sud-africaine (S.A.C.U.) – soit de 60 à 65 p. 100 des ressources budgétaires du pays. Si cette dépendance est limitée par la capacité du Lesotho à attirer une importante aide financière, largement liée aux positions antiapartheid du pays, et par son appartenance à la S.A.D.C.C., elle demeure incontournable. Or ni les subsides obtenus auprès des groupements internationaux (P.N.U.D., F.E.D.), ni l’exploitation diamantifère ne peuvent assurer l’émancipation du pays, dont l’avenir est largement tributaire des bonnes dispositions de son trop puissant «protecteur».Lesotho(royaume du) ('Muso oa Lesotho), état de l'Afrique australe, enclavé dans la rép. d'Afrique du Sud; 30 355 km²; env. 1 900 000 hab., croissance démographique: 2,9 % par an; cap. Maseru. Nature de l'état: monarchie parlementaire, membre du Commonwealth. Langues off.: anglais, sesotho. Monnaie: loti. Ethnie: Sotho (99,7 %). Relig.: catholicisme (43,5 %), diverses églises protestantes (50 %), religions traditionnelles (6,5 %). Géogr. et écon. - Plateau volcanique découpé par l'Orange et ses affl., et situé sur le revers occid. du Drakensberg, le Lesotho connaît un climat tropical favorable à la prairie (température moyenne: 32,2 °C; moyenne annuelle des pluies: 725 mm). Les principales ressources du pays sont constituées de produits de l'élevage (notamment la laine mohair des chèvres angora) et du rapatriement des salaires des hommes travaillant dans les mines sud-africaines (30 % des actifs du pays). La balance agricole est fortement déficitaire. La capacité hydroélectr. va être renforcée par la construction de barrages: l'audacieux Lesotho Highlands Water Project se propose de maîtriser les eaux du fl. Orange d'ici 2020. Depuis le coup d'état de 1986, des conditions favorables ont attiré des entreprises textiles et l'exportation de vêtements est devenue l'une des premières recettes du pays. Entièrement dépendant de l'Afrique du Sud, le Lesotho fait partie des pays pauvres, mais le P.N.B. de 1995 est supérieur de 50 % à celui de 1992. Hist. - Les guerres zouloues du début du XIXe siècle repoussèrent les Sotho vers la haute vallée de l'Orange. Leur chef Moshoeshoe les regroupa sur le territoire du Lesotho actuel. Les nombreux affrontements avec les Boers le poussèrent à signer un traité de protectorat avec les Britanniques en 1868. Le Basutoland (pays des Basuto ou Suto ou Sotho) fut annexé par la colonie du Cap en 1878 et devint en 1884 un "protectorat autonome". Le 4 oct. 1966, le Basutoland accéda à l'indépendance, sous le règne de Moshoeshoe II, et prit le nom de Lesotho. Il se constitua en monarchie constitutionnelle, membre du Commonwealth. Le Parti national avait la majorité à l'Assemblée. Son leader, Leabua Jonathan, était Premier ministre. Il interdit les partis et exila le roi. En 1986, il fut renversé par le général Lekhanya, favorable à l'Afrique du Sud. En 1991, celui-ci fut renversé par un Conseil militaire, qui établit le multipartisme. En 1993, le Basotho Congress Party de Ntsu Mokhehle remporta les élections. En 1995, Moshoeshoe II revint sur le trône; il mourut en 1996 dans un accident de voiture. Son fils, Letsie III (qui avait occupé le trône de 1990 à 1994), lui a succédé.
Encyclopédie Universelle. 2012.